Cela fait trente ans que je suis un « Constant
Reader » de Monsieur King, que j’ai suivi lors des ses
« ratages » (Tommyknockers, Dreamcatcher, Duma Key, et
quelques autres) et je me réjouis de le voir retrouver une
inspiration pleine entière tout en nous faisant bénéficier de son
expérience d’auteur serein et sage ;-)
Sérieusement, avec Nuit Noire, étoiles mortes, Dôme,
63/11/22 et même Blockade Billy et maintenant ce Joyland, je me suis
trouvé plongé dans les histoires de Papy King, emporté par la main
par son style inimitable, mâtiné de la nostalgie et du désabusement
de ses vieux jours. Et pourtant, malgré la noirceur et les
péripéties, je trouve toujours un incroyable optimisme et une
évidente jubilation du conteur qui me fait à chaque fois attendre
avec impatience le prochain volume... Puisse-t-il garder encore
longtemps sa fraîcheur d’écrivain et son enthousiasme de
narrateur, le paysage serait trop vide sans notre King annuel...
« Petit » roman de Stephen King, par la
taille, ce Joyland paru dans la même collection que le bien plus
anecdotique « Colorado Kid » voit le narrateur nous
raconter l’été de ses 21 ans, pendant lequel, pour faire bouillir
la marmite et contribuer à financer ses études, il trouva un emploi
de saisonnier dans un parc d’attraction, que les monstres
Disneyiens ne menaçaient pas encore... Ce parc, où il espère voir
se disparaître son premier chagrin d’amour, a été autrefois le
lieu d’un horrible crime non élucidé, et le train fantôme
abrite, paraît-il, un fantôme...
Ahhhh, le mot est lâché. On est dans un Stephen King,
donc vous pouvez rayer le « paraît-il » : il y a
un fantôme. Et un criminel impuni. Et un enfant qui possède
« the sight » (le « shining », quoi). Et un
jeune héros tout aussi héroïque qu’ordinaire, des amis
indéfectibles, des têtes de con, des vieilles dames sympathiques,
du rock’n’roll, de l’amour, et même Howie the hound, une
version romancée de Scooby-Doo, histoire de ne pas avoir de souci de
copyright (mais la référence est ouvertement citée, ça évitera
aux râleurs de parler de plagiat, il n’y aura pas de procès
d’Hanna-Barbera contre King ;-) )
L’auteur lâche ses éléments « durs »
par petits morceaux, comme d’habitude, et il s’intéresse
davantage à ses personnages, à leur vie, à leur interaction, il
parsème le tout des réflexions de notre narrateur d’une
soixantaine d’année regardant quarante ans en arrière, ce qui
donne le ton doux-amer, mêlant nostalgie et ironie, pas très
lointain de celui de « 63/11/22 » d’ailleurs. On le
suit dans cette histoire avec plaisir, en oubliant le pitch parfois.
Et on se dit soudain « mais au fait, il n’y avait pas un
fantôme dans cette histoire ? » C’est ce que King a dû
se dire aussi, alors, il y est revenu, c’est ce que j’adore dans
le bouquin : on y revient, tout est expliqué, élucidé à un
moment ou un autre sans effet grandiloquent, ni débauche de
surnaturel. Juste ce qu’il faut. Un délice.
C’est un court bouquin et c’est très bien, car
c’est une petite histoire. Il y a dix ans, elle aurait peut-être
été artificiellement gonflée pour atteindre le « format
best-seller » et c’est ce qui a donné certains des romans
les plus mal fichus du King. Là, elle a juste l’épaisseur dont
elle a besoin pour se développer harmonieusement, se raconter, se
vivre et se résoudre. J'ai adoré chaque moment que j'ai passé à le lire, me délectant des odeurs, des saveurs, des émotions. Un régal de bouquin...
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