mercredi 2 octobre 2013

Un beau moment

Ce week-end, une bonne partie du petit monde de la SF avait rendez-vous à la Médiathèque François Mitterrand de Clamart pour honorer la mémoire de Roland C. Wagner, bêtement disparu il y a un an, nous laissant orphelin de son œuvre à venir et, surtout, de sa présence chaleureuse...

"Chaleureuse", c'est un terme qu'on peut appliquer à cette rencontre, à ces retrouvailles de vieux et moins vieux amis de Roland, de sa famille, la vraie comme la littéraire, toutes les frontières étant floues chez lui, tant il avait sa place partout.

Comme un peu tout le monde, j'ai eu peur que le chagrin pèse au-dessus de cette rencontre, alors qu'elle a été un vrai moment festif (comme l'avait été la Bradocon qu'on lui avait dédiée l'an passé), un moment de souvenir intense, très marqué émotionnellement, mais empreint d'énormément de bonheur et de joie à l'évocation de ces souvenirs parfois partagés, parfois découverts, mais dans lesquels on reconnaissait sans cesse le Roland tel qu'on l'avait connu...

Pour moi, cette nouvelle plongée dans mon passé de fanzineux (pas complètement enfui, ni enfoui, apparemment) a commencé la veille en voiturant CJ jusque chez Oncle Joe, dans son superbe et minuscule appartement parisien, caché au cœur de Paris et qui s'est révélé, on s'en doutait, comme un antre mythique, enseveli sous des tonnes de bouquins. Ça me rappelait mes squats intempestifs chez Fred Blayo (même si son appartement était à l'époque plus grand (et plus irrespirable à cause du chat))... Le simple fait d'être accueilli "à la bonne franquette" chez quelqu'un pour la simple (et bonne !) raison que nous partageons à des degrés divers un amour de la SF me replongeait à 100% dans l'esprit fanique qu'il m'était arrivé de perdre un peu de vue...

Tout le monde ayant envie de voir les montagnes de livre, je vais être contrariant et vous mettre plutôt un cliché de l'étrange paysage urbain contemplé depuis la fenêtre de Joe... C'est extraordinaire et on le regarderait pendant des heures...

On peut même faire des variations assez extraterrestres sur le sujet :


Le samedi 28, retrouvailles dans un restau  snack arménien, qui remplit correctement son rôle : réunir tout le monde et caler les estomacs de façon conviviale. A peine entré, un gars me tombe dans les bras en disant "Philippe, ça fait longtemps", je dois avouer n'avoir hésité qu'une seconde avant de reconnaître Michel Pagel, mention honorable, puisque Michel et Francis Z. se sont croisés le matin-même à l'hôtel sans même se reconnaître... Le Z., puisque j'en parle, en voilà un autre personnage dont j'étais très heureux de croiser de nouveau la route... Heureusement qu'on m'avait prévenu qu'il avait fondu, qu'il s'était rasé et qu'il ressemblait maintenant à un simple monsieur très grand. Bon. Cela ne l'empêche heureusement pas d'être un très grand Monsieur... :P

Attablés, Joe Altairac, Michel Pagel, 
Alvaro Salvat, l'ami d'enfance de Roland
et PJT (=PFH, les initiés comprendront)

 Plaisir de manger entre Cathy (qui n'a pas changé d'un iota, ce qui énerve un peu, mais tant mieux pour elle ; ), Natacha (bon, là, j'admets qu'elle a grandi... Mais peut-être est-ce parce qu'elle avait quatre ou cinq ans ans la dernière fois que je l'avais vue) et mon ami André, rescapé du métro/RER...


Tout le monde est captivé par les souvenirs d'Alvaro

Qui a mis le Z. derrière les barreaux ?

A 13h30, nous nous dirigeons vers la médiathèque où nous sommes accueillis par de superbes et émouvants clichés de Roland, exhibant ses premiers romans et trophées, et d'autres de Roland, enfant, visiblement déjà passionné de SF :

Roland accueille en musique l'ami Jean-Luc Buard,
c'est pas cool, ça ?

A 14h30 précises, le grand ordonnateur et maître de cérémonie, Mister Jean-Luc Rivera ouvre l'événement :

Tout le monde saluera son impressionnante maîtrise de la situation, son respect du timing, son sens inné de l'organisation... Même si, c'est vrai, on terminera une minute en retard...

En premier lieu, Alvaro évoquera l'enfance de Roland, ses souvenirs du collège, il nous indiquera le garage qui se trouve maintenant à l'emplacement du bouquiniste où Roland, suite à un accord avec le commerçant, avait la primeur sur tout Fleuve Noir Anticipation qui entrait dans la boutique.

Puis vient l'évocation de nos premières années de fandom et de nos rencontres avec Roland. Michel Pagel ouvre le feu (et me rappelle pourquoi je n'arrivais plus trop à réunir mes souvenirs de Roland à Quétigny : l'animal n'était pas venu, on avait passé notre temps à l'attendre en vain...), sur l'écran passent quelques photos, dont celle que Marie-Pierre Rivelois, qui illustra quelques fanzines dans ces années-là, avait prise avec mon appareil, ce qui explique que, pour une fois, je partageais l'image avec Roland et Michel, on évoque l'aspect de rockloub de RCW, ses amitiés, son enthousiasme, sa gentillesse...  Je glisse mes anecdotes personnelles, Joëlle Wintrebert raconte ses premières conventions également, Jean-Marc Ligny vient nous rejoindre pour parler de sa rencontre, puis nous lui cédons la place pendant qu'il raconte la naissance de Red Deff...
(photo : Marie M - merci...)

Claude Ecken rejoint Jean-Marc et évoque les aventures de Roland au Fleuve Noir. Je connais pas mal des anecdotes, pour les avoir entendues de Roland lui-même, mais il m'avait échappé que ce Schtroumpf avait sciemment fourgué avec jubilation son dyptique "Le Navire ancré dans le Ciel/La Mort marchait dans la rue" sous le titre "Les derniers jours de Mai", ravi que personne au Fleuve ne réalise qu'après un "dernier jour de mai - 1" vient forcément un "Dernier jour de mai - 2" ! 
A posteriori, je n'ai aucun mal à l'imaginer écroulé de rire, car c'était aussi la position dans laquelle il était le jour où il m'a annoncé que le Fleuve Noir allait publier les Red Deff : "tu te rends compte, Red Deff au Fleuve, ils n'ont rien vu, ah je suis fier..."
 Claude Ecken...
...Et son public amusé, ici Joe Altairac et Laurent Génefort...

... qui seront les suivants, avec Philippe Caza et Jean-Luc Buard à évoquer leurs souvenirs et leurs collaborations avec Roland, entrecoupé d'un petit intermède "Garichankar" que Joe m'a incité à faire, JLB ayant cité les tirages effrayants que Roland imposait pour son fanzine (13 exemplaires pour le n°1, 20 pour le suivant)... Plus de gens réclamaient de Garichankar qu'il n'en existait (c'est bien pourquoi je suis si en rogne d'en avoir égaré deux numéros. Je pensais que Roland m'avait peut-être "oublié", mais en les voyant dans les vitrines de l'exposition de la médiathèque, je me suis bien souvenu : je les avais... Ils sont probablement dans une boite où ils n'ont rien à faire, cependant, je ne m'inquiète pas trop...)
 Joe, Caza, très ému quand il explique que Roland l'a abordé un jour en lui disant "j'aimerais que tu fasses les couvertures de tous mes prochains romans"... Flatté, il a dit oui, puis il a plongé dans le monde de Roland et il en est devenu partie intégrante...
Magnifique histoire (et magnifiques couvertures...)
JLB et Laurent Génefort

Récréation musicale, car qui dit Roland dit forcément Rock, le toujours vibrionnant Pascal J. Thomas prend la scène comme un pro en tombant la chemise, comme une star, même s'il a prétendu que c'était pour faire le super-héros (ok, ce n'est pas moins prétentieux, mais c'est notre PJT, il peut et même il doit le faire...)
Remarquable exposé, avec de beaux extraits de garage bands qui faisaient soupirer tout le monde "ah ça, c'est Roland, c'est tellement lui"... Ligny et PJT ont souligné que Roland avait le don d'attirer l'attention de ses amis sur des disques qu'ils étaient susceptibles d'aimer, alors même que ce n'était pas des disques qui épousaient ses propres goûts... Allez, s'il ne faut qu'un regret, c'est que PJ n'ait pas passé un seul morceau de Brain Damage, ce qui est tout de même étonnant...

Les dinosaures parlent aux dinosaures...

L'heure des éditeurs sonne alors et Francis Z Saint-Martin, André-François Ruaud et Mireille Rivalland (où est son initiale centrale ?) viennent parler de leur expérience de travail avec Roland.
Le Z. ouvre le feu en parlant avec le sérieux indéfectible qui le caractérise du cycle du fandom et des pastiches commis par Roland aux éditions de l'hydre. Il emploie un ton tellement docte que ces trésors faniques en paraissent plus importants que les bô livres dont les autres intervenants parleront ensuite... 


Ça m'a fait beaucoup rire, alors je suppose que ça aurait beaucoup plu à Roland... Même si, évidemment, il avait toutes les raisons d'être très fiers des publications dont Mireille et André se sont faits l'écho. Les magnifiques éditions des Moutons, qui viendront orner nos étagères à côté de Poupée, ne sont que justice pour une oeuvre essentielle de la SF, ce qu'André a rappelé avec beaucoup d'émotion...
 Mireille a évoqué autant l'homme et le copain que l'auteur et c'est exactement ce qu'on avait envie d'entendre, car l'oeuvre était indissociable de la vie de Roland. L'entendre parler du fonctionnement de l'esprit de Roland, de sa construction mentale archi-précise de son oeuvre bien avant qu'elle soit couchée sur papier et de sa mémoire phénoménale a ramené une bonne quantité de souvenirs dans mon esprit... Je revois Roland, dans son appartement de "Bourre-la-Reine", en train de jubiler tout en me racontant par le menu le dernier roman dont il avait conçu l'histoire, avec un luxe de précisions et de détails tous tellement dingues que je me marrais avec lui, tout en doutant que tout cela finisse réellement sur le papier... Je vous laisse imaginer ma jubilation quelques temps plus tard en retrouvant toute l'histoire qu'il m'avait racontée dans le roman qui venait de sortir et qui était... La Balle du Néant...

Notre après-midi souvenir, s'acheva par 20 minutes d'exercice universitaire de la part de Simon Bréant, pas inintéressant...

Pour conclure cette après-midi, un petit mot très ému de Sylvie Denis (désolé de ne pas avoir tellement discuté avec Sylvie, mais elle était forcément très occupée)... Puis l'intervention du Sénateur-Maire Philippe Kaltenbach, sur la corde raide du mundane qui tente de parler d'un auteur qu'il ne connaît pas dans un genre qu'il ne connaît pas plus.... Pas trop mal, malgré un faux-pas qui fit rire tout le monde... Richard Wagner le lui aurait pardonné... D'autant que, malgré sa méconnaissance de l'auteur, il a soutenu et même imposé le projet à ses services, ce qui est tout à son honneur !
Sylvie, émue.
 M. le sénateur-maire et la directrice de la Médiathèque,
en présence de Jean-Luc Rivera, Sylvie Denis,
Natacha Wagner et la maman de Roland,
dont la présence a fait chaud au coeur de tous les participants.

Ensuite quelques libations bienvenues pour que chacun puisse discuter avec chacune et réciproquement.... Je manque de photos sur ce coup-là, car la batterie de rechange que j'avais achetée exprès pour pouvoir être tranquille en cette journée... était restée chez Joseph !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!



 Jean-Jacques Nguyen dans un vibrant hommage au Cycle du Fandom...

Après un moment de discussion sur le pavé de Clamart, pendant lequel nous pûmes faire nos adieux aux personnes occupées qui ne pouvaient partager le restau, nous nous rendîmes au restau Tex-mex, loin d'être extraordinaire, surtout pour le prix (mais les boissons étaient divisées entre tous et les SF-istes boivent comme des trous. Bon, j'ai trouvé la note un peu salée vu que je n'ai bu que de l'eau du robinet, mais c'était ma contribution à la convivialité de l'instant ;) ). Sérieusement, l'important c'était d'être ensemble et c'était bien...
 Zandrine, le Z, l'AFR

 CJ, Jeam Tag

Sylvie (à droite, bien sûr :P) et Jean-Luc Rivera
qu'on ne remerciera jamais assez pour sa superbe organisation
d'une journée qui résonnera dans nos cœurs pendant encore longtemps...



Le dernier épisode de cette journée est un  hommage fanique en soi, le genre de plan que des gens respectables ne font pas... Heureusement que nous ne le sommes pas... J'avais proposé à Zandrine et à Jeam de les ramener à Paris, pour qu'ils puissent prendre plus aisément un métro à cette heure tardive. Christine et Joe étaient déjà de la partie, puisqu'on dormait de nouveau dans l'antre altairacien, quand AFR me demanda si je pouvais le ramener à Paris... Sur le coup, je lui dis qu'il n'y avait plus de place, ce dont j'étais désolé, mais devant son air déconfit, le remords nous taraudant, nous suivîmes la suggestion de Jones : se tasser !
Il est vrai qu'horizontalement, il n'y avait plus de place, mais verticalement, je suis sûr qu'on aurait pu entasser encore deux ou trois fans dans la bagnole...
(merci Jeam de m'avoir prêté son appareil qui, lui, avait de la batterie ;-)  )
(Et félicitez-moi, braves passagers, d'avoir résisté à Claude
qui voulait que j'aille à Paris avec sa Ford Ka !!!)



Pardonnez-moi si j'ai oublié des micro-événements, mais cette journée était à l'image de Roland : passionnée et généreuse et les souvenirs ressurgiront probablement par vagues, au moment où l'on s'y attend le moins... Merci à tous les amis et les inconnus que j'ai croisé ce jour et ont fait de cette commémoration un beau moment...

9 commentaires:

  1. Magnifique reportage ! Et pour Brain Damage, ma foi, j'en suis moi-même un vivant exemple, non ? -PJT

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  2. Jean-Jacques Nguyen2 octobre 2013 à 22:14

    Excellent! Tu as retenu beaucoup plus que moi de cette journée, et je te remercie de m'aider à combler mes "trous" d'attention...
    Bizzz'

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  3. Merci pour ce riche compte rendu d'une journée à laquelle j'aurais aimé me rendre !

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  4. Merci pour ce beau compte-rendu, et pour le voyage de retour :-)
    ++ zandr

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  5. Merci l'zozio ;)
    J'avais bien écouté quelques extraits audio dispo sur ActuSF, mais là, tu nous fais vivre cette journée !
    Magnifique ...
    deathpurple

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